Samedi 17 mars / Contre la violence policière / Ateliers d’écriture, 3e session
Résidence de travail
Ateliers d'écriture collective autour des violences policières. L'objectif est de faire travailler ensemble des membres de différents collectifs et au final, d'aboutir à l'édition d'un livre.
Le samedi 17 mars, La Générale accueille une 3e session d'ateliers d'écriture collective et de réflexion sur les violences policières. Prochaines sessions à venir. À l'issue de ces ateliers, un livre d'autoportraits sera édité.
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NOTE DES INITIATEURS / Que notre geste soit offensif, sensible, inédit, inattendu / La fabrication de ce livre compte autant que l'ouvrage achevé :
Nous ouvrons un atelier d'écriture, de réflexion et de rencontres, dans lequel les intéressés réfléchiront à la forme d'un ouvrage final, à son contenu, aux manières de l'élaborer; s'aideraient à écrire, à penser des formes vivantes de celui-ci. Nous avons commencé à constituer le collectif qui travaillerait à cet ouvrage, il est tout à fait possible de le rejoindre, il nous faut l'élargir.
Nous avons commencé à y réfléchir. Cette idée est d'ailleurs le prolongement d'un geste précurseur que nous avions jeté à cinq lors du printemps 2016 sous la forme d'un atelier d'écriture qui déboucha sur des lectures et performances que nous avions intitulées « cortège de tête » et que nous avions décidé de ne jouer que dans des théâtres, évitant ainsi les lieux « militants ». Lorsque nous réitérons ces lectures, chaque fois nous constatons leur pertinence parce que nos paroles sont entendues, qu'elles émeuvent et que nous touchons des personnes étrangères aux manifestations, à la répression.
Nos propositions ne sont pas un cadre indépassable, elles s'enrichiront des discussions que nous aurons ensemble :
Le travail qui a déjà été commencé et qui serait l'assise de l'ouvrage, serait de collecter une myriade d'autoportraits. Cette myriade d'auto-portraits collectés de connaissance à connaissance (j'écris mon autoportrait, puis je demande une connaissance d'écrire le sien qui demande à une connaissance d'écrire le sien qui demande à ainsi de suite), rendrait compte de la richesse de la mouvance, lui rendrait sa chatoyance, porterait nos voix distinctes, uniques, originales, quand les discours dominants aplatissent nos désirs, étouffent nos singularités, jusqu'à nier nos existences. Sur qui l’État jette-t-il des grenades ? Qui enferme-t-il ?
En plus de ce que chacun pourra raconter de ce qui le bouleverse, de son enfance, de son rapport à la mort, à sa famille, où elle vit, où il aime se perdre, pourquoi elle pleure, ce qui la console et si il a des enfants... il serait intéressant que chacun raconte sa rencontre avec le politique, avec le cortège de tête pour celles et ceux qui l'ont fait et pourquoi nous manifestons à cet endroit-là, aussi si l'on a été témoin ou victime de la répression (coups, arrestation, garde à vue...). L'idée c'est de rester sur du sensible, du concret, des histoires vivantes afin d'éviter le général ou la théorie. Après les premiers jets, on se filera des coups de mains, bien sûr pour tirer des ficelles, resserrer des boulons, creuser des veines, inverser des paragraphes...
Comment percer l'enceinte médiatique dans laquelle les pouvoirs nous ont enfermés ?
De la même façon que je cherche les outils pour fabriquer de l'autonomie avec mon quartier — en dehors, donc, du milieu, sinon ça n'aurait aucun sens — de la même façon, je cherche les moyens de parler au-delà de nous, au-delà de nos cercles. Je suis auteur, je propose de le faire avec ce que je sais faire.
En fabriquant un livre.
Nous ne devons pas nous contenter de déborder la rue, les cortèges syndicaux, les journées indiquées par les pouvoirs, nous devons aussi et toujours déborder nos quartiers, nos universités,
nos lieux de travail, mais aussi les théâtres, les expositions, les livres... le domaine, dit, du sensible. Bien que je trouve, moi, que de déborder la rue ou le quartier soit un acte sensible, en tout cas qu'il faille l'imaginer et le vivre de la sorte. Cela étant, de la même manière que nous luttons pour nous réapproprier nos rues, nos quartiers, il nous faut nous réapproprier nos histoires. Nous devons nous écrire. Écrire nos épopées. Nous devons le faire collectivement, individuellement, vigoureusement, singulièrement — en accordant un soin particulier à la forme.
Ce livre est un geste, ce geste est un poème.
La fabrication de ce livre compte autant que l'ouvrage achevé. Par ce geste collectif, nous resserrerons nos liens autant que nous jetterons nos questions, nos doutes, nos désirs et que nous pourrions retourner la violence étatique par-delà nos cercles, par-dessus l'enceinte médiatique dans laquelle les pouvoirs nous tiennent enfermés. C'est en en partant du sensible, de ce que nous sommes, d'où nous venons, en racontant notre part d'invisible, ce qui nous constitue, comment nous regardons la mort et comment nous habitons le temps, ce que nous partageons, ce qui nous différencie, ce qui nous tient, nous empêche de dormir, comment nous nous sommes rencontrés, ce que nous nous apprêtons à construire, que nous ne connaissons pas encore... que nous irons le plus profondément émouvoir, chavirer, ouvrir. Sur les terrains de nos ennemis nous perdrons toujours et nous nous perdrons. Nous nous perdrons. Nous n'avons aucune chance de brailler plus fort que BFM et la cohorte des médias que possèdent les multi-milliardaires, ils y définissent la réalité, une réalité dans laquelle nous n'existons pas ou alors sous des formes dans lesquelles nous ne nos reconnaissons pas, il faut que nous fabriquions les endroits dans lesquels nous reprendrons forme. Notre force, ce sont nos bouts de ficelle, nos chuchotements.
Créolisation.
Il nous faudrait réussir à faire que ce livre ait la gueule d'un poème, un poème bâtard, sauvage, qui parvienne à faire tenir ensemble un assemblage de textes aux origines variées. Que nous parvenions à emmêler les angles d'attaque afin de faire lire le texte d'un collectif de victimes par ceux qui allaient lire des auto-portraits, inversement, etc. A travers ce livre, nous voudrions dépasser la nécessaire compilations de la violence policière, donc de la violence politique, de la violence de l’État à l'encontre de ses opposants, de ses quartiers, des personnes en situation de migration.